Ces derniers temps, je picore plusieurs univers. Je lis plusieurs livres, joue à plusieurs jeux vidéo, regarde plusieurs séries en même temps. Cela ne m’arrive pas souvent, c’est le hasard (et les conseils de mes proches) qui m’ont amenée à cette situation que j’arrangerai probablement d’ici peu. Ceci dit, ma tendance à angoisser quand je n’organise pas bien mes loisirs n’est pas le sujet du jour (oui, je sais, dommage).

Puisque je passe d’une œuvre à l’autre, je ne peux pas m’empêcher de les comparer. En ce moment, ce sont les dialogues qui me sautent aux yeux. Cela donne donc ce petit article que vous découvrez à peine, où je réfléchis au fur et à mesure que je tape. Excusez donc, si vous le souhaitez, le côté décousu de ce texte.

Je vais me pencher sur deux œuvres en particulier : le jeu vidéo Fallout 4 (développé par le studio Bethesda, sorti fin 2015) et la trilogie de romans Le Livre des étoiles (œuvre de fantasy jeunesse écrite par Erik L’Homme, parue entre 2001 et 2003).

Ce sont deux œuvres que je suis en train de (re)découvrir, je ne ferai donc aucun spoiler et je compte sur vous pour ne pas en faire dans les commentaires !

Fallout 4

J’ai débuté Fallout 4 en janvier, puisqu’il s’agissait d’un de mes cadeaux de Noël. J’ai beaucoup de choses à dire sur ce jeu vidéo, que j’ai l’impression de commencer à peine alors que ça fait un mois et demi que je suis dessus. Il y a du bon et du mauvais. Il y a des idées sympathiques et d’autres qui sont bizarrement faites. Il y a des bugs aussi. Mais je continue à jouer parce que, globalement, je m’amuse.

J’ai beaucoup de mal avec les dialogues du jeu. Notez que je joue en version française, je ne sais pas ce que cela donne en anglais.

Parlons d’abord gameplay : quand votre personnage doit discuter avec quelqu’un d’autre, il a une roue qui s’affiche avec quatre propositions différentes de répliques. Le problème, c’est que la réaction du personnage n’est pas toujours claire. La plupart du temps, l’option du haut réclame plus d’informations sur la situation sous forme d’une question (ici s’affichera une idée plutôt claire de ce que dira le personnage), la flèche de gauche n’indique que « Sarcastique » (vous n’avez aucune idée de ce que dira votre personnage, le jeu ne vous présente que le ton adopté), la flèche du bas exprime un accord avec le personnage en face du vôtre (souvent ça termine la conversation, d’autres fois non), la flèche de droite est un refus de ce que demande l’interlocuteur (pareil, souvent la conversation est terminée, mais parfois non).

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Illustration du problème.

Je trouve cela affreux parce que mes choix sont hasardeux : je ne sais jamais vraiment ce que mon personnage va répondre. Et c’est sans compter les dialogues où aucune réponse ne me convient. Pas plus tard qu’hier, je me suis retrouvée face à quatre façons d’accepter une mission que je ne voulais pas faire.

Si les dialogues de Fallout 4 étaient en réalité un mini-jeu dans le jeu, où l’on choisit une réponse au hasard, soit, je l’aurais pris avec de l’humour. Néanmoins, ce qui me dérange encore plus, c’est que je me retrouve souvent à observer une discussion entre mon personnage et son interlocuteur où j’ai l’impression qu’ils ne s’écoutent pas. Je ne sais pas si cela vient de la version française, où la traduction serait discutable, ou si c’est le jeu qui veut cela.

Sturges n'est pas le nom du mur, mais de quelqu'un qui est derrière le mur. Je trouve que cette scène exprime une grande solitude.

Sturges n’est pas le nom du mur, mais de quelqu’un qui est derrière le mur. Je trouve que cette scène exprime une grande solitude.

Cela amène inévitablement une distance avec la scène : j’ai du mal à y croire et je trouve qu’un des personnages ne se sent pas concerné.

Cette situation peut arriver entre deux personnages non-joueurs, comme dans un appartement où une femme me présentait son fils, commentait les actions du jeune homme, pendant que le concerné parlait en même temps qu’elle et m’expliquait qu’il fallait prendre de l’eau pour traverser le désert. Ils étaient assis l’un à côté de l’autre et cette image impromptue m’a rendue triste.

Les répliques sont parfois bizarres. Néanmoins, elles sont généralement plutôt bonnes. C’est le manque d’interaction qui me choque. Chaque phrase a un sens mais elle n’a que peu de lien avec la scène.

Je joue dans un univers où les gens parlent mais ne s’écoutent pas, où chacun vit dans sa bulle. J’ai presque envie de voir un jeu qui pousse le principe plus loin, où les phrases seraient toujours aléatoires, où la discussion serait volontairement irréaliste et absurde. Dans Fallout 4, le côté involontaire est pour moi source de malaise. J’essaye de faire abstraction. Puis parfois je me retrouve dans une conversation qui a un sens, où les personnages échangent. Et le contraste n’en est que plus saisissant.

Le Livre des étoiles

J’ai lu Le Livre des étoiles durant mon adolescence. Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs, à part quelques scènes décousues et la certitude de l’avoir apprécié à l’époque. J’ai un problème de mémoire, il est rare que je me souvienne de ce que j’ai lu. Du coup, quand j’ai vu ce roman sur le bureau d’une de mes collègues, nous en avons brièvement discuté et elle a proposé de me prêter la trilogie.

Je ne sais pas si c’est une bonne idée de redécouvrir avec des yeux d’adulte quelque chose que l’on a apprécié quand on était enfant. Je regarde actuellement une série que j’adorais quand j’étais petite et je lui vois plein de défauts. C’est la même chose pour cette trilogie. Elle a des bons côtés et je vois ce que j’ai pu aimer quand j’étais plus jeune, mais il y a des choses qui ne passent plus aujourd’hui (le sexisme et les stéréotypes, notamment).

Ceci dit, il y a un point qui m’ennuie plus que le reste : les dialogues (je sais, ça fait un moment que je vous parle de ça et vous vous en doutiez). Il s’avère que les personnages ont une forte tendance à expliquer tout ce qu’ils font / ont fait dans les dialogues, même si cela fait redondant avec ce qui s’est passé auparavant. A la lecture, j’ai l’impression qu’on me martèle les informations et qu’on pourrait se passer soit des descriptions d’action, soit de beaucoup de dialogues. On dirait un dialogue d’un épisode pilote d’une série télévisée, où les personnages expliquent un peu trop une situation qu’ils connaissent bien, pour que les spectateurs comprennent. Sauf que généralement, dans les séries, cela n’a lieu qu’au début. Dans cette trilogie, c’est quelque chose que je croise régulièrement.

Par ailleurs, il y a des expressions dans les répliques du Livre des étoiles qui me semblent déplacées dans la bouche d’adolescents, surtout au niveau des jurons. Certes, cela peut s’expliquer par le contexte de l’histoire puisque les protagonistes vivent dans une île qui limite les contacts avec notre monde depuis plusieurs centaines d’années, il est donc probable que leurs jurons paraissent vieux. Mais à la lecture, cela me paraît étrange, ces gens qui parlent seuls en utilisant un grand nombre d’expressions vieillies.

Les couvertures du Livre des étoiles

Les couvertures du Livre des étoiles.

Écrire des dialogues et rester vraisemblable

Cela me fait songer à une prof de français qui m’a donné quelques conseils lorsque je commençais à écrire. Elle m’a dit que les personnages devaient toujours avoir un langage soutenu, voire très soutenu. A l’époque, cela ne m’a pas surprise et le roman que j’ai écrit suite à cette discussion me semble très lourd à lire. J’adapte aujourd’hui le niveau de langage au contexte du récit et à l’histoire du personnage.

Je lis de plus en plus de récits où les dialogues sont courts et fluides. Je sais qu’en tant que lectrice (ainsi qu’en tant que joueuse ou en tant que spectatrice), je préfère pouvoir « entendre » les répliques, imaginer les personnages échanger devant moi. J’adore les descriptions recherchées, poétiques, mais les envolées lyriques me paraissent déplacées quand ce sont les personnages qui discourent.

Le ton et le vocabulaire utilisés par un personnage en disent beaucoup sur lui. Si vous écrivez, je ne peux que vous conseiller de vous en servir pour faire passer des messages. Par exemple, je me suis inspirée de la communication non-violente pour ma nouvelle La bande originale de ma vie. J’ai eu des retours à ce sujet, cela a plus ou moins plu selon les personnes, je reste contente de ce récit et de cet exercice.

Quand je rédige un dialogue, je visualise autant que possible la scène que j’écris, quitte à la jouer (je vous ai déjà parlé de mon amour pour le théâtre). Je garde en tête plusieurs points : est-ce que ce dialogue apporte quelque chose de nouveau ? Est-ce que les personnages sont bien en train d’échanger ? Est-ce que la discussion est lisible ? Est-elle vraisemblable ?

Je dois pouvoir imaginer que la scène se déroule devant mes yeux ou supposer être à la place d’un des personnages. J’ai un mal fou à supposer que quelqu’un fasse une rétrospective de sa vie en étant seul dans sa chambre (accordez-lui au moins un animal domestique dans la pièce, cela sera plus crédible), qu’un grand méchant raconte son plan pour conquérir le monde à la première occasion, qu’un enfant parle de la même manière qu’un adulte de 50 ans. Et pourtant, ce sont des scènes que je croise fréquemment dans des jeux ou dans des livres.

Je pense que le meilleur moyen de travailler ses dialogues, c’est d’écouter ses échanges avec les gens, d’entendre une conversation par hasard. Le monde réel peut nous apprendre des choses.