Hier soir, je commençais un jeu vidéo, Lifeless Planet. Ce matin, je lis qu’il y a des craintes que The Imitation Game présente Alan Turing comme étant hétérosexuel. Certes, il s’agit là d’un jeu vidéo et d’un film. Mais ils questionnent la représentation de l’orientation sexuelle des personnages. C’est l’occasion d’y réfléchir ensemble !

Lifeless Planet

J’ai à peine commencé cette aventure, mes réflexions se baseront sur la première demi-heure. Peut-être que certaines de mes conclusions sont fausses.

Dans ce jeu, vous incarnez un astronaute américain qui, suite à un atterrissage raté, se retrouve sans son équipe sur une planète inhabitée. Cependant, il s’avère qu’il y a des restes de campements russes sur cette planète. Vous cherchez à découvrir où sont vos collègues, s’ils sont encore en vie, et pourquoi ce campement est vide.

Voici la tête du protagoniste :

astronaute lifeless planet

C’est l’astronaute, pas le livre.

J’aurais beaucoup aimé que le personnage ne soit pas genré. Les joueurs auraient pu supposer qu’il s’agit d’une femme, d’un homme ou d’une licorne, à leur bon vouloir. Néanmoins, assez tôt, le protagoniste parle et prouve qu’il a une grosse voix bien grave, laissant sous-entendre qu’il s’agit d’un homme.

Un peu plus tard, nous le voyons dans une cabine de son vaisseau spatial. A côté du hublot, il y a la photo d’une femme. Tout de suite, je me suis dit : « Ah ! Je joue un hétéro ! » .

Voilà le cœur du problème : j’ai pensé automatiquement qu’il s’agissait de sa compagne et qu’il était hétérosexuel. Pourtant, je fréquente beaucoup de LGBTIQA+ (lesbienne, gay, bi, trans, intersexe, queer, asexuel, etc…), je suis lesbienne, rares sont les personnages hétérosexuels dans mes histoires…

J’ai basé ma réflexion sur une simple photo. Au point où j’en suis dans le jeu, je ne sais pas qui est cette femme. Elle pourrait être la fille du héros, sa sœur, sa cousine, sa meilleure amie… rien ne me prouve qu’il s’agit de sa compagne. Cet astronaute pourrait aussi être bisexuel.

Pourquoi n’y ai-je pas pensé alors que je passe mon temps à réfléchir à la représentation des minorités ? Parce que, par défaut, on juge qu’un personnage est hétérosexuel. Si vous ne dites rien à son sujet, il le sera, parce que nous sommes habitués à ce standard.

 

The Imitation Game

Ce film est un biopic sur Alan Turing, qui sera joué par l’excellent Benedict Cumberbatch.

Ce matin, sur Twitter, les gens craignent que l’homosexualité d’Alan Turing soit dissimulée, au profit de celle de sa relation avec Joan Clarke, jouée par Keira Knightley. Pourtant, il est difficile de laisser de côté la sexualité de Turing : pour son homosexualité il a subi des poursuites judiciaires, a préféré la castration chimique à la prison et s’est peut-être suicidé suite à cela.

Benedict Cumberbatch annonce qu’on ne verra pas Alan Turing avoir une relation sexuelle (voici un article en français si vous préférez). Certes, ce n’est pas nécessaire de voir Alan Turing faire l’amour dans son biopic. Néanmoins, il semblerait que son homosexualité soit annoncée dans les dialogues. Si la relation avec Joan Clarke est portée à l’écran mais que celle avec des hommes est exprimée en dialogues, quelle est celle qui prédomine ? Quelle est celle dont on se souviendra à la fin de la scéance ?

Je l’ai écrit un peu plus haut : par défaut, un personnage est hétérosexuel. S’il est homosexuel ou bisexuel mais que vous ne montrez ses relations qu’avec des gens d’un autre sexe que lui, on jugera que l’important est ce qui est représenté. Que ce soit un jeu, un livre, un film… vous mettez l’accent sur un point précis. Joueurs, lecteurs et spectateurs ne peuvent pas deviner ce qu’il y a dans votre tête.

Au sujet de ce film, je songe aussi au besoin de souligner qu’il n’y aura pas d’acte sexuel entre personnes de même sexe. Je n’ai pas l’impression que beaucoup d’acteurs, lors des promos de leurs films, s’exclament : « Oh non non, il n’y a pas de scène de sexe entre hétéros ici ! » Y aurait-il un tabou ? (notez la question rhétorique)

Espérons que la crainte soit infondée. Mais le simple fait qu'elle existe devrait pousser les gens à y réfléchir.

Espérons que la crainte soit infondée. Mais le simple fait qu’elle existe devrait pousser les gens à y réfléchir.

 

De la représentation des personnages

Je corrige actuellement un de mes romans, que j’ai passé à quelques personnes pour qu’elles puissent me donner leurs avis et parfois m’aider à la relecture. Parmi les personnages principaux, l’un d’entre eux est asexuel. Il ne le dit pas de façon évidente. Tant et si bien qu’aucun de mes relecteurs n’a compris qu’il l’était. C’est sous-entendu dans les dialogues mais je dois corriger et éclaircir ce point, sinon il passe à la trappe pour les lecteurs.

Aujourd’hui, les personnages qui ne correspondent pas au standard « hétérosexuel, en couple ou sur le point de l’être, et bien sûr cisgenre (le sexe attribué à sa naissance correspond à son genre) » sont rares. Et ils ont de fortes chances de le rester. Lorsque nous voulons représenter des minorités, il faut être précis et clair. Pas besoin de montrer Alan Turing chevauchant un arc-en-ciel pour rentrer chez lui, une simple scène où il embrasse son compagnon suffirait. J’espère que cette scène existe dans le film.

Notons par ailleurs que si la couleur de la peau du personnage n’est pas exprimée, il correspondra à un autre standard. Inconsciemment, nous le penserons blanc ! Reprenons l’astronaute de Lifeless Planet. Je me demande combien de joueurs, sans voir son visage, ont jugé qu’il était noir (je ne sais pas s’il l’est).

N’oublions jamais ces standards dans la représentation des personnages. Si l’un d’entre eux appartient à une minorité, exprimons-le. Sinon, ce qui n’est pas dit ne sera pas perçu.

Merci à Karrie pour son aide !